Le 50-50 de Sverrir Ingi Ingason: "L'Euro, ce n'était pas un miracle"
Avant de revenir sur les pelouses belges, l'Islandais Sverrir Ingi Ingason a été partie prenante de la folle épopée des Vikings durant l'Euro, avec notamment une mi-temps jouée contre la France en quart de finale. Pour la DH, le défenseur central retourne un mois en arrière et évoque les valeurs d'une nation, son football, sa métamorphose et sa carrière qui l'amène aujourd'hui au Sporting Lokeren. Rencontre.
- Publié le 11-08-2016 à 11h59
- Mis à jour le 11-08-2016 à 12h37
Rencontre avec Sverrir Ingi Ingason, l'un des héros islandais du dernier Euro.
Pour le nouveau volet de notre rubrique "50-50", nous sommes allés à la rencontre de Sverrir Ingi Ingason, à Daknam. Avant de revenir sur les pelouses belges, l'Islandais a été partie prenante de la folle épopée des Vikings durant l'Euro, avec notamment une mi-temples jouée contre la France en quart de finale. Une aventure complètement dingue, débutée il y a quelques années déjà pour l'île de 330 000 habitants, mais depuis un peu moins longtemps pour le jeune homme qui a fêté ses vingt-trois ans ce vendredi 5 août. Pour La Dernière Heure, le défenseur central retourne un mois en arrière et évoque les valeurs d'une nation, son football, sa métamorphose et sa carrière qui l'amène aujourd'hui au Sporting Lokeren. Clap, première !
1 | Alors, c'était comment les vacances après cet Euro fantastique ?
"C'était très court, évidemment. On est allé jusqu'en quarts de finale et le championnat reprenait peu après. J'ai quand même pris des vacances avec les amis et la famille. Je suis allé aux Etats-Unis, avec des gars de l'équipe et en Allemagne avec ma copine."
2 | C'était d'autant plus nécessaire après l'énorme coup réalisé à l'Euro ?
"Oui, certainement. On avait beaucoup d'attention sur nous. Ca s'accentuait au fur et à mesure qu'on avançait dans le tournoi. Les journaux, les médias, tout ça. Ce n'était probablement pas le style de vie qu'une personne normale souhaiterait avoir. Mais je n'en retiens que du positif. C'était juste complètement fou. On ne pouvait quasi plus quitter l'hôtel après le match contre l'Angleterre. On avait eu six ou sept jours de repos avant le quart contre la France, du coup, c'était un peu plus calme. Mais en arrivant à Paris, c'était bien différent."
3 | Comment avez-vous digéré cet Euro mentalement ?
"Après avoir quitté la France, on est rentré en Islande, à Reykjavik, où on a reçu cet accueil formidable, avec probablement trente ou quarante mille personnes dans la capitale pour nous acclamer. C'était sans doute l'un des moments où je me suis senti le plus fier dans ma vie. C'était cool de pouvoir terminer le tournoi sur une note positive. Le match contre la France n'était clairement pas notre meilleur. On a été éliminé sèchement. Donc, retrouver les fans, les amis, la famille, fêter cela avec eux: cela restera gravé pour toujours."
mar
4 | Et vous, en tant que joueur, comment avez-vous ressenti ce tournoi au cœur du groupe ?
"De manière tout à fait normale. C'est surtout en Islande que c'était fou. Ces quatre dernières années, l'équipe n'a fait que grandir, match après match. Puis Lars Lagerbäck est arrivé (NdlR: en 2012). Il a apporté beaucoup de professionnalisme et a changé pas mal de choses au niveau de l'équipe nationale. Le groupe a joué ensemble pendant près de quatre ans et a progressé ensemble, a battu de grandes nations du foot, comme les Pays-Bas, contre qui on a gagné à domicile et à l'extérieur. Donc, l'atmosphère était assez relax, car les gars savaient ce qui devait être fait. On avait un bon staff, avec une bonne équipe médicale etc. Entre chaque match, c'était juste se reposer, apprendre à connaître l'adversaire. C'était bien d'affronter l'Angleterre seulement vers la fin, comme ça, on a pu se concentrer sur la récuparation, vu qu'on avait un onze de base très clair. Face à la France, on a joué contre la meilleure équipe du tournoi, celle qui aurait dû être sacrée championne d'Europe, selon moi. Mais le Portugal a joué de façon très organisée. Un peu comme nous, en fait, en défendant très bien. Dans un tournoi comme celui-là, avec seulement sept matches, tout peut arriver."
5 | A partir de quand vous êtes-vous dit que vous pouviez réaliser quelque chose d'exceptionnel ?
"Après le premier match, contre le Portugal, je dirais. C'était sans doute notre meilleure performance, avec l'Angleterre. Evidemment, le Portugal a eu des occasions, mais notre gardien a été fantastique. On a été menés, mais quand on a égalisé, plus rien de sérieux n'est arrivé et nous avons défendu de façon efficace. On a pris un point contre l'équipe favorite du groupe et on s'est dit qu'avec le système des meilleurs troisièmes, cela pouvait le faire. On a pris confiance et on y a cru."
6 | Puis il y a ce contre coup face aux Hongrois...
"C'était un match difficile, avec un mauvais terrain à Marseille. On menait, on avait tout en mains, c'était génial, mais on n'a pas su en profiter. On a accusé le coup, car c'est dur de se prendre un but comme ça (NdlR: un but contre son camp de Saevarsson à la quatre-vingt-huitième minute). Et face à l'Autriche, il n'y avait aucune pression, ni des supporters, ni des médias islandais. Car personne ne s'attendait à ce qu'on aille plus loin. Le coach nous avait juste dit de prendre notre pied et de donner tout ce qu'on avait. Que tout serait possible, alors. Puis, on a vite pris l'avantage et il y a eu ce penalty loupé d'Aleksandar Dragovic. Là, on s'est dit que c'était pour nous, que c'était écrit. Je suis rentré en fin de match. Nous sommes restés dans le rectangle pendant ces quelques minutes. Sauf quand on a mis le but. Là, c'était fini. Et là, on réalise: on est en huitièmes. Mais la chose la plus forte,c'était de se dire qu'on rencontrait l'Angleterre. Car le foot anglais, chez nous, c'était énorme."
7 | Comment expliquer ce rapport très fort entre le foot anglais et islandais ?
"Ce n'est pas que géographique. Le plus grand championnat se joue en Angleterre. En Islande, on a toujours diffusé le foot anglais, plus que l'allemand ou l'espagnol. Quiconque aime le foot supporte une équipe anglaise, comme Manchester United ou Liverpool. On regarde la Premier League. Il y a une forte connexion. Il y a ces joueurs islandais qui y ont réussi. C'était également énorme pour nous d'avoir l'opportunité d'affronter ces gars que l'on voit à la télévision. C'était aussi super pour les fans de nous voir jouer contre eux et de les battre. Quand je voyais le match du banc, c'était très différent des matches précédents. Ici, on avait le contrôle, ils ne nous ont jamais vraiment menacés. Après qu'on ait planté le 2-1, on savait qu'on avait fait le plus dur. On l'a mérité, je pense. C'était LE grand souvenir du tournoi. Le retour était un grand moment aussi, évidemment. Mais quand on s'est qualifié pour les huitièmes, les Islandais sont devenus fous ! J'ai reçu des milliers de messages pour savoir si je pouvais avoir des tickets pour le match contre l'Angleterre. Il y avait des vols supplémentaires pour quitter l'Islande vers Nice. Dix mille, quinze mille personnes étaient là, hurlant pour nous soutenir. C'était dingue.
8 | Vous étiez essentiellement sur le banc durant l'Euro. N'était-ce pas un peu frustrant ?
"Evidemment, parfois, c'était difficile. Contre l'Autriche, c'était le troisième match, avec le même onze de départ. On pouvait voir que les joueurs étaient épuisés, mais essayaient de tout donner. L'Autriche a égalisé vers l'heure de jeu, il faisait très chaud à Paris et (il souffle) on s'est demandé ce qui allait arriver. Finalement, deux remplaçants sont montés (pas moi, car j'étais le dernier à entrer au jeu) et tout s'est bien terminé. En Islande, les gens bossent dur et peu importe qui est sur la pelouse. Je n'avais jamais ressenti un tel esprit d'équipe. Tout le monde veut s'entraider. En club, il y a parfois de la compétition, mais ici, on voulait juste faire ça ensemble. Car on savait qu'on ne pouvait pas gagner avec seulement onze joueurs. Tout au long de cette campagne, de ces cinq, six semaines côte à côte, ce n'était pas facile, sans les proches. Mais Lagerbäck savait comment fédérer le groupe. Il n'y a jamais eu de guéguerre ou autre. Quand on a un groupe où chacun veut bosser pour l'autre, abattre le travail défensif, courir cent mètres s'il le faut, alors cela apporte de la confiance à tout le monde. C'était la principale force de notre équipe."
9 | C'était peut-être ce qui a manqué à la Belgique ?
"En football, quand il y a plein de superstars dans une seule équipe, c'est parfois plus difficile. Mais on peut trouver l'équilibre, comme le Portugal l'a fait. Le tout est de disposer d'un groupe où tout le monde accepte de se sacrifier. Il y a quelques années, le Real Madrid avait ce souci. Mais chez nous, que tu joues en Premier League ou dans le championnat islandais, on t'accorde le même respect. Tu fais juste partie du groupe. Et certains joueront plus que d'autres. Je n'ai pas beaucoup joué, mais j'étais à chaque fois prêt à 100%, même si j'avais dû entrer pour trente secondes. Et ça a marché, excepté lors de la permière mi-temps face à la France."
10 | Cette façon de voir les choses, elle est ancrée en vous ?
"Les Islandais sont différents des autres peuples. Quand j'étais jeune, j'allais à l'école jusqu'à mes dix-neuf ans, pour devenir professionnel. Mais avant ça, je bossais durant l'été, car on ne reçoit pas d'argent pour jouer au foot. Pour être pro, il faut quitter le pays. Donc, les joueurs bossent d'autant plus. Ils doivent en plus quitter leur famille, devenir responsables, grandir en tant que personnes. Cela te renforce mentalement. Certains joueurs belges jouent dans leur pays. C'est différent pour nous. On sacrifie beaucoup de choses. Par exemple, ta famille ne te voit que trois fois par an. Cela nous offre une grande force mentale. À l'Euro, on a encaissé des buts, mais on se disait 'Peu importe, il ne faut pas avoir de regrets', car on savait qu'on aurait peut-être qu'une seule et unique chance de faire ça. Face à la France, beaucoup d'équipes auraient baissé les bras après avoir pris quatre goals en une mi-temps. Mais pas nous. Et à la fin du match, l'Islande était fière, la France, le monde étaient fiers de notre pays. On a apporté quelque chose de spécial à ce tournoi. Le Portugal a gagné, mais on a plus parlé de nous. C'est logique quelque part, quand on sait d'où on vient. Ça paraît miraculeux d'avoir un tel groupe, avec une telle connexion, des qualités comme ça. Les Islandais savent qu'ils ne reverront pas forcément quelque chose comme ça. Ils l'ont attendu pendant des années."
11 | Le coach a-t-il également façonné cela ?
"Lars Lagerbäck a dit que c'est le groupe le plus facile avec lequel il a eu à travailler. Il a dirigé avec des superstars comme Zlatan Ibrahimovic ou Freddie Ljunberg quand il était le sélectionneur de la Suède. Mais ici, c'était simple. Si on faisait de notre mieux, il savait qu'il ne pouvait pas nous demander plus."
12 | Comment est-il parvenu à vous garder les pieds sur terre ?
"Avec son expérience, il nous a parlé et nous a dit que rien n'était fini. Il nous a toujours motivé à aller plus loin. Qu'on devait jouer pour les demi-finales avant d'affronter la France. Qu'on pouvait aller encore plus loin. Cela peut paraître choquant, mais quand on a un gars comme lui en face de soi, on l'écoute et on y croit. On s'est entraîné. Et le jour J, je pensais qu'on allait gagner."
13 | S'agit-il du meilleur coach que vous ayez eu ?
"Il est différent. Déjà, ce n'est pas le même rapport qu'avec un coach que l'on voit tous les jours en club. Je l'ai seulement vu quelques jours durant les qualifications, puis pendant l'Euro. Il est très calme, facile à vivre. Il communique facilement avec nous. Il n'impose pas de règles. Il nous fait confiance et on lui rend cette confiance. Cela fonctionne dans les deux sens. En Suède, les médias ne lui ont pas fait de cadeau, on ne l'aimait pas. Mais aujourd'hui, on réalise là-bas à quel point il est bon. Je pense qu'il avait le meilleur groupe qu'il pouvait espérer diriger et on a eu le meilleur coach dont on pouvait rêver. En football, cela fonctionne ainsi, c'est du donnant-donnant."
14 | Le considérez-vous comme une figure paternelle ?
"Non, pas tellement, car je suis arrivé tard dans tout ce processus. Il est celui qui a transformé l'équipe nationale, l'a fait passer d'une nation immature à une équipe pro. Il veut le meilleur pour ses joueurs. Ils reçoivent tout ce dont ils ont besoin, afin qu'ils sortent de grosses performances sur le terrain. Il a mis en place toutes ces petites choses, pour qu'on n'ait plus qu'à penser à nous et au football. Cela rend les choses plus faciles. On a un petit staff avec nous, mais cela fonctionne super bien."
15 | Ce succès islandais est également dû aux infrastructures bâties en indoor.
"On a construit ces terrains il y a une quinzaine d'années, car le climat peut être terriblement difficile. Du coup, on ne pouvait pas s'entraîner à cause de la neige etc. Avec ces grands halls, des gamins de cinq ou sept ans peuvent commencer le football dans les meilleures conditions. Moi-même, c'est comme ça que j'ai commencé à jouer. On a alors formé de meilleurs joueurs, les coaches devaient avoir la licence UEFA et donc étaient de meilleure qualité. C'est pourquoi nous sommes passés de ce que nous avions il y a vingt, vingt-cinq ans à ce que nous proposons aujourd'hui. On ne peut pas savoir combien de bons footballeurs sortiront du pays, mais les A font du bon boulot, les U19, l'équipe féminine aussi. On est sur la bonne voie."
16 | Cet Euro est la preuve que cela fonctionne !
"Ce que nous avons fait en France motive d'autant plus les jeunes à poursuivre sur cette voie, à travailler dur. Car tout le monde veut vivre ce qu'on nous avons vécu cet été."
17 | C'est comme un apéro !
"Oui, absolument. J'ai beaucoup parlé de Lars Lagerbäck, mais le nouveau coach, Heimir Hallgrímsson, il est aussi excellent. Il a le souci du détail, par rapport à notre adversaire, à notre préparation. Il pense football à chaque seconde, 24h/24h. C'était le complément idéal à Lagerbäck. Il n'a pas encore son expérience, mais il a beaucoup appris. Les joueurs aussi seront plus expérimentés. On a un groupe difficile pour se qualifier pour le Mondial 2018 (NdlR: l'Islande affrontera l'Ukraine, la Croatie, la Turquie, la Finlande et le Kosovo), mais on sait qu'on peut le refaire. L'Euro, ce n'était pas un miracle. On a bossé quatre ans pour ça. Et on n'était déjà pas loin du Mondial 2014."
18 | Il y a eu une prise de conscience ?
"Oui, bien sûr. On sait qu'on peut même faire mieux. Notre futur est très brillant. Dans les dix, quinze prochaines années, on peut encore sortir de plus en plus de bons joueurs. On espère juste refaire le coup devant tout le monde."
19 | Vous avez été formé à Breidablik, d'où sortent d'autres grands joueurs islandais comme Gylfi Sigurdsson, Alfred Finnbogason et Jóhan Berg Gudmundsson. Quelle est la philosophie de cette école ?
"C'est sans doute l'une des meilleures académies dont on puisse rêver dans toute la Scandinavie, selon moi. Le plus important pour eux, c'est de former des jeunes joueurs, les revendre, plus que de gagner des trophées ou être le meilleur club d'Islande chez les A."
20 | Et quel style de football apprend-on ?
"Ce n'est pas vraiment un football à l'anglaise. Plus un football total. On veut que les joueurs sachent jouer au sol, soient plus techniques. Les défenseurs sont censés savoir reprendre le ballon haut, les milieux de terrain doivent être capables d'offrir des changements de rythme. Un football moderne. Ce ne sont pas des longs ballons. On y pratique le plus beau football d'Islande. La façon dont on joue à seize, dix-sept ans, c'est celle dont on jouera chez les A."
21 | Et vous, quel type de football préférez-vous ?
"Je suis réaliste, pragmatique. Cela dépend des joueurs avec lesquels on évolue ou contre lesquels on joue. Avec l'Islande, on ne peut pas sortir comme ça et jouer comme le Barça. Des équipes ont de meilleurs joueurs, avec plus de qualités. Cela ne signifie pas pour autant qu'elles vont gagner. C'est pourquoi le foot est si populaire: chaque année, on voit que les outsiders gagnent. Il y a eu Leicester, par exemple. Si on a le bon groupe, où tout le monde se comprend, tout est possible. Mais évidemment, j'aime jouer un beau foot, repartir d'assez bas, pour construire quelque chose. Mais je dois m'adapter et je sais le faire. S'il faut balancer, alors je le fais. Mais je sais aussi contrôler un ballon et le jeu."
22 | Un système à l'italienne ou à la Vanhaezebrouck, avec trois défenseurs, c'est quelque chose que vous aimeriez tester ?
"Oui, absolument ! Avec mon précédent club, on jouait un jeu offensif, car on avait des qualités techniques avec le ballon. Regarder Finnbogasson, Gudmundsson jouaient aussi à Breidablik et ils sont aujourd'hui au top niveau, en Premier League et en Bundesliga. Le foot que l'on va pratiquer dépend souvent des circonstances. Il faut avoir le manager pour structurer tout ça, mais les joueurs savent s'adapter et doivent avoir les capacités de se prêter au jeu que le coach souhaite mettre en place."
23 | Cet Euro était celui des défenseurs, comme Pepe, Boateng, Bonucci etc. Qu'en avez-vous pensé ?
"Nos défenseurs centraux étaient eux aussi très bons. Sigurdsson a probalement joué son meilleur football. Depuis quatre ans, il ne fait que s'améliorer. J'espère que cet Euro lui offrira de la visibilité et un transfert vers un grand club. Pour revenir aux autres défenseurs, j'aime ce style italien, où l'on défend très bien, avec une équipe qui sacrifie ses égos, comme l'Italie l'a fait face à la Belgique. Quand elle avait le ballon, la Nazionale était plus efficace. En deux, trois touches de balle, elle arrivait au but et au final, cela fait 2-0. Si on conserve ses filets inviolés, alors on n'a plus qu'à marquer un but. Les Italiens ont prouvé à quel point le football peut être simple. Il y a des points communs entre l'organisation italienne et islandaise. Ce n'est pas facile de briser ces équipes. On parvient à frustrer nos adversaires. Si une équipe n'aime pas jouer contre vous, alors, c'est que vous faites du bon boulot."
24 | L'Islande a été le coup de coeur de cet Euro, mais certains ont critiqué votre style de jeu, jugé parfois trop basique. Qu'en pensez-vous ?
"Cela ne me touche pas. Quoi qu'on fasse en foot, on sera critiqué. On a juste trouvé le meilleur système avec les joueurs dont on disposait. Si on avait joué comme Barcelone, on se serait fait laminer à chaque match. On joue un foot organisé, avec deux attaquants, qu'on a bien utilisés. C'est un jeu simple, mais on a d'autres forces, qu'on utilise comme on peut. Avec en premier lieu, cette envie de se sacrifier, le labeur, car on sait que c'est ça qui nous apportera le succès. Durant le tournoi, le coach nous disait évidemment qu'il nous fallait conserver un peu plus le ballon, car c'est difficile de courir nonante minutes sans le ballon. Contre la France, les Bleus nous ont laissé le contrôle de la balle, afin qu'on bouge nos lignes, pour nous faire avancer sur le terrain et ainsi profiter de l'espace derrière nous. C'était la première fois qu'on expérimentait ça, qu'on était pas pressé. Et ils ont trouvé la solution."
25 | Mais vous n'avez jamais abandonné contre eux.
"Non, jamais. Pour nous-mêmes, on a essayé de montrer quelque chose dans la seconde mi-temps. Finalement, on 'gagne' la deuxième période 2-1... On se rendait compte qu'on n'aurait peut-être plus jamais une opportunité comme celle-là, jouer un quart de finale au Stade de France devant 80 000 ersonnes. On est humble, on sait que ça n'arrivera pas tous les jours. Mais bon... On en apprendra."
26 | Ce qui a frappé, notamment face à la France, ce sont ces longues touches d'Aron Gunnarsson. On imagine que c'était beaucoup répété à l'entraînement.
"Oui, évidemment, on s'était préparé. On aurait voulu marquer comme ça face la France. On a travaillé ces phases le plus possible. Et cela a fonctionné, car on a marqué deux fois en cinq matches, contre l'Autriche et l'Angleterre. C'est une bonne arme. C'est difficile de défendre sur ce genre de phases, car tout va très vite. C'était important de tout bien mettre en place."
27 | Kari Arnason a trente-trois ans, Ragnar Sigurdsson en a trente. Ce sont les deux titulaires au coeur de la défense islandaise Ils ne sont plus tout jeunes. vous y pensez ?
"Bien sûr que j'y pense. En principe, je pourrais devenir un jour un joueur important pour l'équipe, mais il y a aujourd'hui plus de concurrence. Mais je sais qu'il ne rajeunissent pas. Et qu'il y aura de plus en plus d'opportunités pour moi de débuter les matches. C'est évidemment l'un des buts de ma carrière. A moi de continuer de bosser en club pour ça. Mais c'est possible. C'est un rêve quand on est petit, quand on regarde David Beckham ou que sais-je, de les rejoindre à ce niveau. C'est bien que je sois maintenant à Lokeren, pour atteindre cela."
28 | Vous sentez que vous n'êtes pas le même joueur qu'avant ?
"Si, si je suis le même. Mais je suis juste meilleur. Car tout vous renforce dans une carrière."
29 | Cet Euro, cela a changé votre statut ici, à Lokeren ?
" (Il hésite) C'est difficile à dire..."
30 | C'est peut-être un peu tôt pour le dire ?
"Oui, je crois. Cela fait de belles histoires. Les équipiers sont heureux pour moi. C'est difficile de faire ressortir quelqu'un de l'équipe en particulier. Mais cela motive aussi les gars. Ce qu'on a fait là-bas, pourquoi ne pas le faire ici. J'essaye d'amener un peu de la mentalité islandaise à Lokeren. Cela nous aidera à faire toujours mieux."
31 | Vous avez su prendre vos responsabilités assez jeune. A vingt-et-un ans, vous avez remplacé un joueur-clé comme Alexander Scholz !
"Mais j'en avais la possibilité, alors, je l'ai saisie. J'ai plus vu cela comme une belle occasion, que comme un pas trop haut. Je sais que je suis jeune et que je peux faire des erreurs, je ne suis pas parfait. Le coach le sait aussi. Tout le monde bosse pour faire une meilleure équipe et de moi un meilleur joueur. C'est un challenge. Il n'y a pas de peur. Scholz était un super joueur, je le connaissais car il a joué en Islande (NdlR: le Danois a évolué un an à l'UMF Starjan, avant son arrivée à Lokeren). Je suis différent. Je ne suis jamais venu ici pour le remplacer. J'ai débarqué pour m'améliorer et pousser l'équipe."
32 | Vous avez également été capitaine en équipe de jeunes. Vous vous considérez comme un leader ?
"Oui, tout à fait. Une de mes qualités, c'est clairement mon leadership. J'ai été capitaine chez les U21 et quand je jouais en Islande. J'ai toujours voulu aider, sur le terrain, parler à mes gars. Je veux aussi écouter les conseils, les trucs des anciens. C'est important de s'écouter pour s'améliorer je pense. J'aimerais ensuite emmagasiner cette expérience pour à mon tour la transmettre à des joueurs plus jeunes, qui veulent tout faire pour réussir."
33 | Vos partenaires en défense sont Mijat Maric et João Carlos, de vieux briscards. Que vous apprennent-ils ?
"Ils commentent ce que je fais et me disent quand je fais un bon geste. Ils tentent toujours de m'envoyer des messages positifs. S'ils estiment que je dois corriger quelque chose, alors ils le font également. Ils m'apprennent beaucoup et j'aime jouer à leurs côtés."
34 | Êtes-vous proche d'Arnar Vidarsson, qui coache les Espoirs du club ?
"Sa présence est importante pour moi, car il est Islandais et peut me parler dans ma langue. De plus, il est jeune et apporte des choses plus modernes. C'est un bon mix avec Georges Leekens."
35 | Connaissiez-vous cette tradition islandaise à Lokeren ?
"Oui, absolument. Il y a toujours eu une forte connexion entre les joueurs islandais et le club. Quand j'ai eu l'occasion de venir ici, je me suis rappelé de ce que mes prédécesseurs avaient fait, du respect dont ils jouissaient ici. Runar Kristinsson, Vidarsson, Gretarsson, de bons joueurs. Du coup, je n'avais pas peur de venir ici. Quand je suis arrivé, c'était facile. Ce genre de lien entre un club et un pays aide evidemment."
36 | Ari Freyr Skúlason est également arrivé après l'Euro. L'avez-vous conseillé ?
"Oui, je lui ai dit que c'était un bon club et il connaissait aussi l'histoire des Islandais. Du coup, il était assez enthousiaste de venir ici et de le vérifier par lui-même."
37 | Avez-vous également demandé un avis à Eidur Gudjohnsen, qui a lui aussi connu le foot belge ?
"Oui, je suis proche de la famille d'Eidur. Son frère et le mien étaient très amis quand ils étaient jeunes. Je connais aussi son père. On jouait avec son fils à l'époque. Eidur a un peu suivi mon transfert et m'a donné des conseils."
38 | Vous êtes restés en contact, alors.
"Oui, c'est vraiment un mec bien. Il est probablement le meilleur joueur que l'Islande ait connu, un attaquant du top. Quand quelqu'un comme lui est proche de vous, cela ne peut qu'aider. Je n'étais pas forcément très, très proche de lui quand j'étais jeune, car il jouait à l'étranger, mais quoi qu'il dise, vous l'écoutez. C'est comme un mentor."
39 | Que vous a-t-il dit de la Belgique ?
"Il est arrivé en Belgique à un moment où il devait se remettre d'une grave blessure au tibia. Je pense qu'il s'est bien débrouillé. Il n'était pas ici au top de sa forme. Il est fier de sa carrière, il a gagné tellement de trophées... Il a connu pas mal de compétitions. Mais lui aussi a un lien particulier avec la Belgique et le foot belge, vu qu'il y a vécu très jeune, avec son père."
40 | Et à choisir entre deux clubs où Gudjohnsen a évolué, vous préférez Chelsea ou Barcelone ?
"(Sourire) Je prends Barcelone. C'est une équipe tout simplement incroyable, la meilleure au monde."
41 | En dépit de l'amour pour le foot anglais ?
"Oui, car en Angleterre, je suis pour Manchester United de toute façon. Mais si je dois choisir entre ManU et le Barça, alors je file à Manchester."
42 | Ils cherchent encore un successeur à Rio Ferdinand !
"(Rires) ouais..."
43 | Pouvez-vous comparer le foot belge à ce que vous avez vécu en Islande et en Norvège ?
"Le championnat belge est largement supérieur à la compétition islandaise. Le championnat norvégien s'en approche, je trouve. Je pense qu'ils y a plus de bonnes équipes ici. En Norvège, il y a un ou deux bons clubs qui se qualifient en Europe. Ici, il y en a cinq ou six, comme Gand, Anderlecht, Bruges, etc. Des équipes qui se qualifient chaque année. La Belgique reste un cran au-dessus de la Scandinavie à ce niveau. C'est aussi pourquoi je suis venu ici d'ailleurs."
44 | Vous sentez-vous à l'aise dans le jeu de Lokeren ?
"Je suis ici depuis un an et demi et j'ai déjà eu trois coaches, donc bon. C'est différent à chaque fois. Avec Peter Maes, c'était plus offensif. On avait Hans Vanaken avec nous. Après, c'est logique que ce genre de joueurs du top rejoignent des grandes équipes. Aujourd'hui, je dirais que Lokeren est en phase de reconstruction pour retrouver cette équipe. Et cela prendra du temps. Le coach est arrivé en cours de saison passée et reprend cette année, donc, je pense que le meilleur est devant nous. Aussi, on a acheté pas mal de joueurs il y a un an. On se connaît mieux désormais."
45 | Et quel joueur vous a le plus impressionné en Belgique ?
"Par chance, j'ai joué avec et non contre lui. C'est Hans Vanaken. Pour moi, il rend le football super facile. Il pense tellement rapidement, en un seul mouvement. Vous pensez que vous l'avez bloqué, mais il est déjà parti avec la balle. Il est un cran au-dessus dans tous les domaines. Il l'a montré la saison passée, quand Michel Preud'homme lui a fait confiance. Il sait faire ce qu'aucun joueur en Belgique ne sait réaliser."
46 | Et pourtant ce n'est pas un joueur très véloce...
"Non, mais s'il a des joueurs rapides autour de lui, alors il sait les alimenter en bons ballons. Il est dans la meilleure forme de sa carrière depuis la saison dernière. Je pense qu'il sera l'un des joueurs-clés du Club."
47 | Vous le voyez rapidement intégrer le noyau des Diables rouges ?
"Oui, je le pense. Je le vois aller plus haut dans sa carrière. Quitter la Belgique pour rejoindre un grand championnat et y poursuivre son développement. Car vu ce qu'il montre, il peut aller où il veut."
48 | Qui sont vos modèles, vos sources d'inspiration ?
"Vincent Kompany est impressionnant. Il a tout ce qu'un défenseur doit avoir: le physique, le leadership, la technique. Malheureusement, il a manqué de chance avec toutes ses blessures. Au top de sa carrière, il était l'un des meilleurs défenseurs du monde. Ce n'est pas facile pour lui en ce moment, mais j'apprécie ce genre de joueur. Rio Ferdinand aussi. C'est un défenseur différent, plus dans le placement, l'organisation. Pepe a été fantastique durant l'Euro. Là, il est au top. Mais c'est un gars étrange. Ce n'est pas mon genre de plonger comme il le fait parfois. Mais c'est un grand joueur et je le respecte beaucoup."
49 | Bon, une bonne fois pour toutes: on ressent quoi quand on fait un 'clapping' ?
"Ah, on a eu pas mal de questions à ce propos. C'était quelque chose qu'on a fait sur le moment, pour profiter de ces instants avec nos fans. Je pense que ce n'était pas en soi spécial pour moi ou les autres. C'est habituel, c'est notre style. Je pense que ce succès est aussi dû au look de Viking de notre capitaine, avec sa barbe et ses tatouages. Il emmène le groupe, cela donne une image parfaite. Maintenant, on devra le faire jusqu'à la fin de notre vie. Même au stade de France, tout le monde le reprenait. On peut en être fier aussi, je pense."
50 | Le retour sur terre n'est pas trop difficile après tout cela ?
"Non, car on savait que cela s'arrêterait un jour ou l'autre. Cela s'est bien terminé, au terme d'une superbe expérience. C'est juste quelque chose que l'on veut refaire. On a été éliminés, maintenant, on veut aller de l'avant, avec des joueurs qui se sont bonifiés. Et faire peut-être mieux à l'avenir."